La famine infligée par Israël aux Palestiniens de Gaza est une politique délibérée d’extermination, témoigne Amnesty International

« Les enfants palestiniens sont condamnés à la famine, forçant les familles à faire un choix impossible : entendre impuissants les cris de leurs enfants émaciés qui implorent de la nourriture, ou risquer la mort ou des blessures dans une recherche désespérée d’aide. »

Le GA des Insoumis du Pic Saint Loup publie régulièrement sur son site ou dans l’Insoumission des synthèses des points hebdomadaires de l’ONU ou des ONGs sur la situation dramatique à Gaza et en Cisjordanie. Au travers des nombreux chiffres et faits rapportés par ces organisations, nous documentons comment Israël planifie depuis des mois, de façon méthodique, étape par étape l’extermination massive du peuple palestinien, puis son exil vers un état voyou. Politique que l’état Israélien développe avec l’aide active ou silencieuse des états occidentaux, qui se rendent complices de crimes que la grande majorité du monde qualifie de génocide.

Un article d’Amnesty International du 18 août 2025 appuie cette démonstration sur des témoignages poignants de femmes et d’hommes gazaouis recueillis en juillet 2025. Ils nous montrent de façon émouvante et concrète comment Israël a rendu et rend la vie impossible à Gaza pour les plus vulnérables, enfants, femmes enceintes ou allaitantes, malades, personnes âgées. Ces témoignages sont disponibles sur le site anglais d’Amnesty International, mais pas sur le site français.

Aussi, nous traduisons ici certains témoignages en reprenant la démonstration d’Amnesty que “la combinaison mortelle de la faim et de la maladie n’est pas une conséquence regrettable des opérations militaires israéliennes ” mais résulte d’une organisation planifiée, méthodique, diabolique de ce gouvernement génocidaire.

« Alors que les autorités israéliennes intensifient leurs attaques contre la ville de Gaza et menacent de lancer une invasion terrestre à grande échelle, les témoignages que nous avons recueillis sont bien plus que des récits de souffrances : ils constituent une condamnation cinglante d’un système international qui a accordé à Israël le droit de tourmenter les Palestiniens en toute impunité depuis des décennies »

Erika Guevara Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.
« Les enfants palestiniens sont condamnés à la famine, forçant les familles à faire un choix impossible : entendre impuissants les cris de leurs enfants émaciés qui implorent de la nourriture, ou risquer la mort ou des blessures dans une recherche désespérée d’aide. »

indique Erika Guevara-Rosas, Amnesty International

Dans un précédent article, nous avions résumé les rapports de l’ONU indiquant comment le gouvernement israélien a conduit 150000 enfants de Gaza en état de malnutrition aiguë avec un risque élevé de mortalité, 18,6 % des enfants de la ville de Gaza.

Amnesty indique que les autorités israéliennes ont encore aggravé les conditions inhumaines créées par leurs politiques en continuant d’entraver le travail de la plupart des grandes organisations humanitaires et des agences des Nations Unies à Gaza, notamment en rejetant à plusieurs reprises leurs demandes d’acheminement d’une aide vitale. Ces restrictions arbitraires s’accompagnent de l’introduction de nouvelles règles d’enregistrement des ONG internationales qui, si elles sont appliquées, interdiront totalement à ces organisations d’opérer dans les Territoires palestiniens occupés.

« J’ai le sentiment d’avoir échoué en tant que mère » : l’impact sur les femmes enceintes et les mères allaitantes

S, (son nom complet n’a pas été divulgué à sa demande), une infirmière déplacée de Jabalia vers le camp de déplacés d’al-Taqwa à Sheikh Radwan, dans la ville de Gaza, a raconté le combat quotidien qu’elle mène pour s’occuper de son garçon de deux ans et de sa fille de sept mois. Elle a fui pour sauver la vie de ses enfants ; c’était un choix entre le déplacement et la mort. Elle a expliqué que la faim était devenue palpable fin avril, la forçant à économiser les maigres portions de nourriture pour ses enfants tant qu’elle restait affamée.

Sa production de lait maternel a commencé à diminuer considérablement fin avril, et sans accès à des tire-lait et à un accès extrêmement limité aux compléments alimentaires maternels, elle a souligné la souffrance physique et émotionnelle d’essayer pendant des heures d’allaiter son bébé, mais « le lait ne sortait tout simplement pas ».

Lorsque la cuisine communautaire du camp, leur seule source de nourriture, a cessé de fournir de la nourriture pendant trois jours consécutifs, S. n’a pu donner que de l’eau à ses enfants. Son mari a été blessé alors qu’il cherchait de l’aide près du point de passage de Zikim, ce qui l’a amenée à le supplier de ne plus y retourner. Son fils, affaibli par la faim, « marchait et tombait ». « J’ai l’impression d’avoir échoué en tant que mère ; la faim de vos enfants vous donne l’impression d’être une mauvaise mère. »

La lutte pour les besoins fondamentaux ne se limite pas à la nourriture. Les couches sont introuvables, obligeant S. à déchirer ses vêtements pour en fabriquer des couches de fortune, impossibles à laver faute d’eau potable – conséquence de la destruction ou des graves dommages causés par Israël aux systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement de Gaza. La tente dans laquelle elle vit avec son mari et ses deux enfants est infestée de rats, de moustiques et de cafards. Sa petite fille a développé une infection bactérienne de la peau, qu’elle ne peut traiter faute d’antibiotiques ni de pommades. Israël bloque les entrées des antibiotiques et des médicaments élémentaires.

« J’ai peur d’une fausse couche, mais je pense aussi à mon bébé : je panique rien qu’en pensant à l’impact potentiel de ma propre faim sur sa santé, son poids, la possibilité qu’il ait des malformations congénitales, et même s’il naît en bonne santé, à la vie qui l’attend, au milieu des déplacements, des bombes, des tentes… »

témoigne Hadeel, une mère de deux enfants enceinte de quatre mois.

Haddel redoute d’accoucher dans ces conditions, se souvenant des soins prénatals complets, des vitamines et des examens médicaux que l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) lui avait prodigués lors de ses précédentes grossesses, aujourd’hui totalement absents. Les enfants de Hadeel réclament constamment de la nourriture, un endroit où jouer et une école. Plusieurs autres femmes interrogées par Amnesty International dans le cadre de cette enquête et de précédentes ont expliqué avoir pris la décision de ne pas concevoir, alors qu’elles désiraient désespérément un enfant, en raison des conditions de vie et des bombardements à Gaza.

Une déprivation d’aliments protéiques, vitaminés, de fruits et légumes, de sucre planifiée pour affaiblir la population gazouis, la rendre vulnérable aux maladies, notamment les jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes atteints de maladies chroniques, les personnes âgées

Les entretiens menés par Amnesty International avec des Palestiniens déplacés dans trois camps de déplacés de la ville de Gaza ont révélé que la situation désastreuse est uniforme au sein de la population. Aucun d’entre eux n’avait consommé d’œufs, de poisson, de viande, de tomates ou de concombres depuis au moins un mois ; la plupart n’avaient rien mangé de tel depuis plusieurs mois. Cette pénurie généralisée d’aliments frais et nutritifs résulte à la fois du blocus étouffant imposé par Israël et de la destruction systématique des sources de production alimentaire, notamment de vastes étendues de terres agricoles, d’élevages de volailles et d’autres élevages, lors des opérations militaires, par des bombardements ou des destructions à l’aide d’explosifs posés manuellement (voir notre article)

« Je suis devenu un fardeau pour ma famille » témoigne une personne âgée

Les personnes âgées sont parmi les plus durement touchées par les déplacements multiples, 1,9 milliions de palestiniens déplacés, certains plus de 10 fois.

Abu Alaa, un homme déplacé de 62 ans du camp de réfugiés de Jabalia, a raconté comment il avait reçu de la soupe de lentilles de la cuisine communautaire comme seul repas de la journée. Il a expliqué que le pain n’était distribué qu’un jour par semaine, obligeant la famille à le rationner, et qu’il n’avait rien goûté de sucré, même pas de fruit, depuis des mois. « Je supporte la faim, mais pas les enfants », a-t-il dit.

Abu Alaa souhaite ardemment que l’UNRWA reprenne la distribution de l’aide, un système dont il a confiance en son équité et sa justice, basé sur la taille des familles. Il a décrit les dangers de la ruée actuelle vers l’aide : « Autrefois, nous nous soutenions mutuellement, surtout ceux qui étaient dans le besoin. Même au début de cette guerre, aujourd’hui, les gens sont simplement guidés par leur instinct de survie. »

Nahed, 66 ans, a raconté à Amnesty International comment la ruée vers la nourriture près des routes d’acheminement de l’aide humanitaire « a privé les gens de leur humanité ». Il a déclaré : « J’ai dû y aller parce que je n’ai personne pour prendre soin de moi. J’ai vu de mes propres yeux des gens porter des sacs de farine tachés du sang de ceux qui venaient d’être abattus ; même des gens que je connaissais étaient presque méconnaissables. L’expérience de la faim et de la guerre a complètement transformé Gaza ; elle a bouleversé nos valeurs. »

Aziza, 75 ans, a confié à Amnesty International son souhait de mourir : « J’ai l’impression d’être devenue un fardeau pour ma famille. Lors de notre déplacement, ils ont dû me pousser en fauteuil roulant. Avec les files d’attente interminables aux toilettes dans le camp où nous sommes hébergés, j’ai besoin de couches pour adultes, qui coûtent extrêmement cher. J’ai besoin de médicaments pour le diabète, l’hypertension et un problème cardiaque, et j’ai dû prendre des médicaments périmés. J’ai toujours l’impression que ces jeunes enfants, mes petits-enfants, sont ceux qui méritent de vivre. J’ai l’impression d’être un fardeau pour eux, pour mon fils.»

Une destruction à plusieurs niveaux, méthotiquement planifiée et organisée : un mélange mortel de famine et de maladie

Un médecin urgentiste de l’hôpital al-Shifa de Gaza a dressé un tableau sombre de la situation. Interrogé par Amnesty International le 24 juillet 2025, il a souligné que les personnes les plus exposées – nourrissons, enfants souffrant de maladies préexistantes, personnes âgées et personnes handicapées – sont touchées de manière disproportionnée par les effets combinés du manque de nourriture, de médicaments, d’eau potable et d’hygiène. Ces pénuries sont aggravées par un état de peur et de détresse constant.

Le médecin a souligné que de nombreux patients pourraient survivre s’il n’y avait pas la « combinaison de famine, de destruction et d’épuisement du système de santé, de conditions insalubres et de multiples déplacements dans des conditions inhumaines ».

Le manque d’aliments nutritifs spécifiques entraîne des complications de santé facilement évitables. Un adolescent transplanté rénal, par exemple, a fait une rechute à cause d’une eau polluée et d’une alimentation inadéquate. Les diabétiques, qui pourraient gérer leur maladie grâce à un régime strict, sont désormais confrontés à de graves difficultés en raison du manque de sucre, d’aliments riches en nutriments, notamment les légumes, le poisson, le poulet et les haricots, et de la pénurie de fournitures médicales.

Le médecin a déclaré que la famine massive et extrême avait éclipsé d’autres urgences sanitaires. Ce qu’il a décrit comme une « catastrophe invisible », expliquant que la propagation de maladies, ou le nombre de personnes souffrant de maladies chroniques ou cancéreuses qu’il traitait auparavant, passent souvent inaperçus, car on se préoccupe uniquement de la quantité de nourriture qui entre, sans avoir une vision globale du problème.

La famine, en fraglisant les défenses immunitaires, et la destruction des structures d’hygiène par Israël font exploser les maldaies infectieuses. notamment l’augmentation alarmante des maladies infectieuses et hydriques, de la méningite et du syndrome de Guillain-Barré (SGB). Le médecin a souligné la grave pénurie d’antibiotiques qui ne permet pas de traiter efficacement ces patients

Le monde ne peut pas continuer à féliciter Israël pour son aide au compte-gouttes et à considérer ces mesures cosmétiques comme une réponse suffisante à sa destruction calculée de la vie des Palestiniens à Gaza.

indique Erika Guevara-Rosas, Amnesty International 

Le syndrome de Guillain-Barré (SGB) est une maladie neurologique rare et potentiellement mortelle, dans laquelle le système immunitaire attaque le système nerveux périphérique. Le SGB est déclenché par des infections virales, comme celles provoquant des diarrhées. Ce syndrome peut affecter tous les sens, provoquer une faiblesse musculaire, affecter la respiration et le rythme cardiaque, et peut même entraîner une paralysie. Selon le ministère de la Santé, 76 cas de SGB avaient été recensés au 12 août 2025, tous en juillet et août. Parmi eux, le SGB a entraîné le décès de quatre Palestiniens, dont deux enfants.

L’immunoglobuline intraveineuse (IgIV), principal médicament nécessaire au traitement du syndrome de Guillain-Barré, est actuellement indisponible à Gaza en raison du blocus israélien. Si la maladie progresse, atteignant notamment les muscles pulmonaires, et provoque une faiblesse respiratoire, les patients devront être intubés. Pour un secteur de la santé déjà décimé et submergé par des événements quotidiens faisant de nombreuses victimes, la capacité à gérer ce mélange de faim et de maladie est extrêmement limitée.

Le bilan est tout aussi désastreux pour les patients et le personnel soignant. Les blessures mettent beaucoup plus de temps à cicatriser, obligeant les personnes légèrement blessées à subir des séjours hospitaliers prolongés, leur corps étant trop faible faute de nourriture adéquate. Le médecin urgentiste d’al-Shifa a décrit une « destruction à plusieurs niveaux », où un hôpital dévasté, comme al-Shifa – autrefois le plus grand hôpital de Gaza, aujourd’hui à peine opérationnel après deux raids israéliens majeurs en novembre 2023 et mars 2024 – est contraint de faire face à la famine, à des infrastructures détruites, à des bombardements constants et au risque de nouveaux déplacements dans des tentes insalubres. Le médecin a déclaré à Amnesty que cet état de crise constant et généralisé épuise le personnel médical.

« Une situation déjà catastrophique risque de dégénérer en une horreur encore plus grande si Israël met à exécution son plan d’invasion terrestre à grande échelle de la ville de Gaza. Une telle opération militaire porterait un coup dévastateur et irréversible aux deux centres de stabilisation de la malnutrition en activité dans la ville, ainsi qu’aux établissements de santé déjà dévastés »

a déclaré Erika Guevara-Rosas, Amnesty International 

Suite à l’approbation par le cabinet israélien du plan visant à consolider l’occupation de Gaza en lançant une offensive sur la ville, une personne déplacée du camp de réfugiés de Jabalia a déclaré : « J’ai déjà été déplacée à 14 reprises pendant cette guerre ; je n’ai plus la force de fuir ; je n’ai plus d’argent pour transporter mes deux enfants handicapés. J’ai mal aux muscles, je suis trop épuisée pour marcher, et encore moins pour porter mes enfants. S’ils attaquent la ville, nous resterons assis ici à attendre la mort. »

En tant que puissance occupante, Israël est légalement tenu de protéger les civils et de subvenir aux besoins de la population civile, notamment en facilitant l’entrée des fournitures essentielles à leur survie, la distribution sûre et digne de l’aide et un accès sans entrave à la nourriture et aux fournitures médicales dans toute la bande de Gaza. La famine ne doit jamais être utilisée comme arme de guerre, et l’UNRWA, les autres agences des Nations Unies et les organisations humanitaires doivent bénéficier d’un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza.

Face aux horreurs infligées par Israël à la population palestinienne de Gaza, la communauté internationale, et en particulier les alliés d’Israël, dont l’Union européenne et ses membres, doivent honorer leurs obligations morales et juridiques de mettre fin au génocide israélien en cours. Les États doivent suspendre d’urgence tous les transferts d’armes, adopter des sanctions ciblées et mettre fin à tout engagement avec les entités israéliennes lorsque cela contribue au génocide israélien contre les Palestiniens de Gaza.

Un grand merci à Amnesty Internation pour ces témoignages

Les insoumis du Pic Saint Loup (34)